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50e anniversaire : Quatre tĂŞtes dirigeantes reviennent sur l’évolution du DĂ©partement de mĂ©decine de famille de Ä˘ą˝¶ĚĘÓƵ

Image par Owen Egan and Joni Dufour. From left to right: current Chair Marion Dove with former Chairs Howard Bergman, Martin Dawes and Louise Nasmith at the 2024 Department of Family Medicine Retreat held at the Ä˘ą˝¶ĚĘÓƵ Faculty Club.

Ă€ l’occasion du 50e anniversaire du DĂ©partement de mĂ©decine de famille de Ä˘ą˝¶ĚĘÓƵ, Le Bulletel s’est entretenu avec Louise Nasmith (directrice de 1995 Ă  2002), Martin Dawes (directeur de 2002 Ă  2010) et Howard Bergman (directeur de 2012 Ă  2019), ainsi qu’avec la directrice actuelle du DĂ©partement, Marion Dove (depuis 2019). Voici le compte rendu de cette rencontre franche et sincère Ă  propos des dĂ©fis et des rĂ©ussites des 30 dernières annĂ©es.

Pourriez-vous nous faire part des moments forts de votre mandat de direction?

Louise Nasmith : Pour moi, c’est l’intégration accrue du Département au sein de la Faculté. L’équipe avec laquelle j’ai travaillé était formidable. C’était le début d’une présence beaucoup plus importante au premier cycle et du renforcement du programme postdoctoral, qui demeure l’un des principaux programmes de la Faculté. La formation professorale est devenue un modèle et a rapidement été implantée au sein de la Faculté et ailleurs. J’ai passé la majeure partie de mon mandat sous la direction du doyen Abe Fuks, fervent défenseur de la médecine de famille. Il m’a beaucoup épaulée et m’a énormément appris.

Je me suis efforcée de tisser des liens avec les directions des départements de médecine de famille des facultés francophones, au Québec, et j’en suis fière. Je pense que le fait que je parle français a été un atout. Ensemble, nous avons négocié le tarif horaire, un nouveau mode de rémunération du personnel de notre centre de médecine familiale. Sincèrement, je pense que le changement par rapport au paiement à l’acte a été complexe, mais vraiment utile. Et Martin, Howard et Marion ont poursuivi cette étroite collaboration.

Martin Dawes : Effectivement. Même si mon français n’est pas aussi bon que celui de Louise, les relations ont été très productives. Nous avons négocié et travaillé avec le gouvernement pour préciser les conséquences des projets de loi et des changements envisagés.

Du point de vue clinique, ce fut une pĂ©riode très enrichissante. J’ai hĂ©ritĂ© d’un ancien dĂ©partement Ă  l’HĂ´pital Royal Victoria et d’un autre de soins primaires Ă  l’HĂ´pital gĂ©nĂ©ral de MontrĂ©al devenus orphelins depuis la fermeture de l’HĂ´pital Reine Elizabeth. Tout a Ă©tĂ© restructurĂ©. C’était vraiment inspirant de voir ces deux Ă©quipes prendre le risque de retourner au Reine Elizabeth pour y former un GMF (groupe de mĂ©decine de famille), bâtir un programme de rĂ©sidence et un programme d’enseignement au premier cycle solides et se rĂ©imposer comme centre de soins primaires. Je suis fier d’avoir participĂ© Ă  cette rĂ©ussite et travaillĂ© avec le CUSM (Centre universitaire de santĂ© Ä˘ą˝¶ĚĘÓƵ), le gouvernement, les bâtisseurs et tous les mĂ©decins fondateurs Ă  la crĂ©ation d’un nouveau GMF.

Howard Bergman : Je dis toujours que nous nous appuyons tous, moi y compris, sur les épaules de nos prédécesseurs : nous tablons sur les efforts qu’ils ont déployés en médecine de famille pour en faire une discipline clinique très respectée dans notre système de santé.

Grâce au travail de Louise, Martin et Miriam Boillat, qui a occupĂ© le poste de directrice par intĂ©rim pendant deux ans (c’est beaucoup!), nous avons bâti un dĂ©partement universitaire fort et respectĂ© Ă  Ä˘ą˝¶ĚĘÓƵ. Comme l’a dit Martin, nous avons obtenu la reconnaissance officielle de nos programmes de maĂ®trise et de doctorat recherche par l’UniversitĂ© et le gouvernement et, avec l’aide de [l’ancien doyen] David EideIman, nous avons augmentĂ© l’effectif Ă©tudiant et le nombre de postes menant Ă  la permanence pour les cliniciens-chercheurs. Je pense que ce sont des rĂ©alisations très importantes. Je ne m’en attribue pas tout le mĂ©rite : c’est le fruit d’un travail d’équipe.

Marion Dove : Je suis vraiment reconnaissante à mes prédécesseurs pour ces réalisations.

L’expansion est un élément important de mon mandat de directrice. Il y a eu une croissance fulgurante du nombre d’apprenants et apprenantes et nous pourrons former davantage de médecins et accroître le nombre de médecins de famille. Nous ouvrons constamment des sites d’enseignement, notamment les GMF-U à la clinique MedNam à Lachine en 2023, à Vaudreuil en 2024 et à l’Hôpital général du Lakeshore en 2025. Ces tout nouveaux sites d’enseignement enrichissent le programme de résidence du Département de médecine de famille et participent à la formation aux études médicales de premier cycle.

Nous tentons également d’augmenter le nombre de sites qui accueillent des étudiants et étudiantes en région, le nombre de cliniques à Montréal et à proximité du Campus Outaouais, ouvert en 2020.

Le bilinguisme demeure un de nos atouts et nous renforçons sans cesse les liens avec la recherche; le Département de médecine de famille compte actuellement une soixantaine d’étudiants et étudiantes aux cycles supérieurs.

La collaboration mentionnée par Louise avec les autres directions des départements de médecine de famille au Québec fait partie de nos points forts. Chaque mois, nous nous réunissons pour discuter de questions d’intérêt commun et je pense que nous sommes devenus un modèle au pays.

Comparativement au reste du Canada, je pense que le Québec ne s’en sort pas si mal. Récemment, le Collège des médecins de famille du Canada a présenté un nouveau plan d’action pour la formation lors d’une réunion et la plupart des propositions dont nous avons discuté sont déjà mises en œuvre au Québec, par exemple tous nos résidents sont formés au sein d’un groupe de médecine de famille.

Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous avez été confrontés?

Louise Nasmith : La fermeture d’hôpitaux par le gouvernement. La plus grande perte a été celle de l’Hôpital Reine Elizabeth, qui était un centre de médecine familiale, ce qui a nécessité la relocalisation du corps professoral et des résidents. La fermeture a été très difficile pour le corps professoral, dont plusieurs membres y étaient depuis de nombreuses années. Ça a été un véritable deuil, non seulement de l’hôpital lui-même, mais aussi de la communauté et des relations qui s’étaient construites. J’étais au Reine Elizabeth, et je l’ai donc vécu aussi. Certaines personnes sont allées au Centre hospitalier de St. Mary; d’autres au CLSC Côte-des-Neiges ou à la Clinique Herzl. Ces unités ont été vraiment très accueillantes.

Martin Dawes : Seulement 20 % des Ă©tudiants de premier cycle envisageaient une rĂ©sidence en mĂ©decine de famille. Cette tendance se voyait dans tout le pays, mais Ä˘ą˝¶ĚĘÓƵ Ă©tait vraiment en queue de peloton. Nous devions renverser la vapeur. Ce fut un travail difficile, mais les groupes d’intĂ©rĂŞt spĂ©ciaux mis sur pied et Ă©paulĂ©s par des membres du DĂ©partement ont permis d’augmenter le nombre de personnes qui choisissaient la mĂ©decine de famille. C’est une de nos rĂ©ussites.

Un autre problème était que tout le monde croyait que la médecine de famille excluait la recherche. Évidemment, nous n’étions pas du même avis, et l’équipe dirigée par Pierre Pluye et Charo Rodriguez a conçu un programme de maîtrise qui a naturellement mené à un programme de doctorat. L’influence de ce programme unique au Canada est majeure. Je suis très fier de leur travail.

Howard Bergman : Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais la mĂ©decine de famille a longtemps Ă©tĂ© jugĂ©e avec pitiĂ© et mĂ©pris, tant Ă  Ä˘ą˝¶ĚĘÓƵ qu’ailleurs au pays et dans le monde entier. J’ai dĂ» relever plusieurs dĂ©fis en tant que directeur, mais l’un des plus intĂ©ressants a Ă©tĂ© la rĂ©orientation du discours au DĂ©partement.

David Eidelman m’a dit : « Je veux que le Département de médecine de famille soit aussi fort que ceux de médecine, de psychiatrie et de chirurgie. Ils existent depuis 100 ans; nous, plus récemment. » Et il a réussi. Nous célébrons 50 ans et le discours a changé : l’Université et le système de santé comptent sur nous.

Marion Dove : Je suis devenue directrice en 2019, alors la pandémie mondiale a fortement marqué au moins la moitié de mon premier mandat de cinq ans. Les externes et les résidents ont été retirés des stages, puis ont été réaffectés aux services liés à la COVID, et des chercheurs ont dû revenir de leurs congés sabbatiques. Les frontières ont été fermées et les subventions de recherche ont été complètement revues, car les gens ne pouvaient plus voyager. On ne pouvait plus avoir d’interactions en personne avec les patients ni les patients partenaires. J’ai dû gérer toutes sortes de crises au cours de mon premier mandat.

Une grande partie de ce qu’ont dit Louise, Martin et Howard décrit tout à fait à ce que j’ai vécu en tant que directrice du Département. Les fermetures d’hôpitaux, les départs à la retraite forcés et la diminution du nombre d’apprenants qui ont eu lieu au milieu des années 90 ont certainement des répercussions encore aujourd’hui, car nous faisons face à une pénurie de médecins de famille. Comme je l’ai mentionné, nous sommes maintenant confrontés à un défi un peu inverse avec tous nos nouveaux sites d’enseignement.

Selon vous, quelle direction prendra le Département de médecine de famille à l’aube de son deuxième demi-siècle d’existence?

Marion Dove : Je vois pour les cinquante prochaines années un département qui s’emploie à répondre aux besoins en constante évolution de nos communautés, tout en continuant d’évoluer comme chef de file de la médecine de famille universitaire. Nous nous concentrerons sur l’expansion et le renforcement de notre réseau de sites d’enseignement pour garantir un accès équitable à la formation et aux services de soins primaires aux quatre coins du Québec. Nous continuerons aussi de nous investir dans la recherche ancrée dans la pratique et alignée sur les priorités du système de santé, notamment en matière d’équité, de vieillissement, de traitement des maladies chroniques et de soins interdisciplinaires. Grâce à nos programmes d’études supérieures florissants, à notre solide culture de collaboration et à l’engagement de notre effectif étudiant et de notre corps professoral, je crois que nous sommes bien placés pour façonner l’avenir de la médecine de famille, tant au Québec qu’ailleurs au pays et à l’international.

Cet entretien a été édité et condensé pour plus de clarté.

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